Shadow IT
Shadow IT : menace cachée ou opportunité pour l’entreprise ?
Dans toutes les entreprises, un phénomène invisible mais bien réel se développe : le Shadow IT.
Derrière ce terme, se cache une réalité simple : des collaborateurs utilisent des outils numériques hors du contrôle de la DSI — pour gagner du temps, mieux collaborer ou pallier un manque fonctionnel.
Stockage sur un drive personnel, utilisation d’un outil de gestion de tâches non validé, ou création d’un tableau de suivi dans un cloud externe…
Ces pratiques se multiplient, souvent sans mauvaise intention.
Mais leurs conséquences peuvent être lourdes.
Qu’est-ce que le Shadow IT ?
Le Shadow IT désigne toute utilisation d’un service, d’une application ou d’un matériel informatique non validé par la direction informatique.
Cela inclut :
- des applications SaaS non référencées (Trello, Notion, Slack, Airtable, Canva, etc.) ;
- des partages de fichiers sur des clouds personnels (Google Drive, Dropbox, WeTransfer…) ;
- des scripts, macros ou outils développés en interne, voire no-code sans cadre IT ;
- ou encore l’usage de matériels personnels pour accéder à des données professionnelles.
Le point commun : l’absence de contrôle, de gouvernance, et souvent de visibilité pour la DSI.
Pourquoi les entreprises tombent-elles dans le Shadow IT ?
Le Shadow IT n’est pas une faute des utilisateurs.
C’est une conséquence directe de la complexité croissante du numérique et parfois du décalage entre les besoins métiers et les moyens informatiques disponibles.
⇒ Parce que les outils officiels ne suffisent pas toujours
Les équipes cherchent des solutions rapides, modernes et adaptées à leur quotidien.
Lorsqu’un processus interne est perçu comme trop lent ou rigide, les collaborateurs contournent naturellement les procédures.
⇒ Parce que le numérique s’est démocratisé
Aujourd’hui, n’importe qui peut tester un outil SaaS en quelques clics.
Les solutions sont accessibles, ergonomiques et souvent gratuites pour un usage individuel.
La frontière entre usage personnel et professionnel devient floue.
⇒ Parce que les métiers veulent être autonomes
Les directions métiers ont gagné en maturité numérique.
Elles veulent agir vite, expérimenter, innover… quitte à bypasser la DSI si celle-ci est perçue comme un frein.
⇒ Parce que la culture d’entreprise favorise parfois la débrouille
Dans certaines structures, “faire sans attendre” est valorisé.
Mais cette autonomie, si elle n’est pas encadrée, crée un écosystème parallèle non maîtrisé.
Les risques du Shadow IT
1️⃣ Risques de sécurité
Les données peuvent être stockées sur des serveurs hors UE, partagées sans contrôle, ou exposées à des fuites.
Un simple lien partagé publiquement peut compromettre des informations sensibles.
2️⃣ Risques de conformité
RGPD, confidentialité, gestion des accès : le Shadow IT échappe à toutes les politiques internes de sécurité et de conformité.
3️⃣ Risques économiques
Chaque outil souscrit par un service représente un coût caché : abonnements multiples, licences redondantes, absence de mutualisation.
Le Shadow IT peut peser lourdement sur le budget global IT… sans que personne n’en ait conscience.
4️⃣ Risques d’intégration et de cohérence
Des données dispersées entre différents outils rendent les reportings complexes et peu fiables.
Les équipes travaillent alors sur des versions différentes d’une même information.
5️⃣ Risques humains et organisationnels
Quand chaque service choisit ses outils, la collaboration inter-services devient difficile.
Le SI se fragmente, et la DSI perd sa capacité à piloter l’ensemble.
Mais le Shadow IT n’est pas qu’un problème…
Bien qu’il pose des risques, le Shadow IT est aussi un symptôme révélateur de besoins réels et un signal positif d’innovation.
1️⃣ Un indicateur des besoins métiers
Les outils adoptés en dehors du cadre traduisent souvent un manque de réponse du SI officiel.
En les observant, la DSI peut mieux comprendre ce qui ne fonctionne pas ou ce qui manque.
2️⃣ Un levier d’innovation
Certains outils de Shadow IT deviennent, après validation, de véritables solutions d’entreprise.
Exemple : un service marketing qui teste Notion ou Monday peut inspirer un futur choix d’outil collaboratif institutionnalisé.
3️⃣ Un signal de dialogue entre les métiers et la DSI
Le Shadow IT peut servir de point de départ à une meilleure collaboration.
Plutôt que de sanctionner, la DSI peut jouer un rôle d’accompagnement et de structuration.
Comment encadrer (sans étouffer) le Shadow IT ?
1️⃣ Instaurer une gouvernance claire
Mettre en place une politique d’homologation des outils : simple, rapide, compréhensible.
Les métiers doivent savoir à qui s’adresser pour valider un besoin.
2️⃣ Favoriser la collaboration entre DSI et métiers
Plutôt que d’imposer, il faut co-construire : comprendre les besoins, tester ensemble, prioriser les solutions. L'idéal étant de bâtir une équipe de key-users et d'organiser des rituels avec eux.
3️⃣ Documenter et cartographier
Une cartographie applicative (voir notre article dédié) aide à identifier les outils utilisés, leurs usages et leurs interactions.
C’est la première étape pour reprendre le contrôle sans tout interdire.
4️⃣ Sensibiliser les utilisateurs
Former les collaborateurs à la sécurité, la conformité et les bonnes pratiques numériques : ils sont souvent les premiers à vouloir bien faire.
5️⃣ Offrir des alternatives modernes
Proposer des outils officiels modernes (adieu les interfaces dignes de l'AS400) et performants réduit naturellement le recours à des solutions externes.
En conclusion
Le Shadow IT est à la fois un risque et une opportunité.
Il révèle une tension entre besoin d’agilité et besoin de maîtrise.
Plutôt que de le combattre frontalement, les entreprises gagnent à l’observer, le comprendre et l’intégrer dans leur démarche de gouvernance numérique.
Car derrière chaque initiative “dans l’ombre”, il y a souvent une idée d’amélioration… qu’il suffit d’éclairer.
Le Shadow IT n’est pas un ennemi. C’est un miroir qui reflète la maturité numérique de l’entreprise.
Par Baptiste BLONDET
DSI et chef de projet à temps partagé
Accompagnement ERP, AMOA, Data, Gouvernance IT
Interventions dans les départements du Rhône, Ain, Loire, Saône-et-Loire, Allier et Côte-d’Or.